Par Amélie Poinsot et Mathilde Mathieu

Elle fournit des travailleurs migrants par milliers aux agriculteurs français. Mais Terra Fecundis, société espagnole, sera bientôt jugée pour une fraude massive aux règles sur le travail détaché. Révélations sur une affaire emblématique d’un dumping social invisibilisé : celui à l’œuvre dans nos campagnes.

A lire dans son intégralité sur Médiapart : https://www.mediapart.fr/journal/france/170720/terra-fecundis-l-exploitation-de-travailleurs-en-bande-organisee-visee-par-la-justice?onglet=full

Plus de 6 000 intérimaires étrangers, près de 500 exploitations agricoles et une trentaine de départements concernés : la « méga » enquête visant la société Terra Fecundis, qui devait être jugée en mai à Marseille et dont le procès a été reporté en raison de la crise sanitaire, a révélé un système hors norme de détournement de la directive européenne sur le « travail détaché » au détriment des droits des salariés, voire du respect de la dignité humaine, dans les champs de fruits et légumes français.

Comme d’autres agences d’intérim espagnoles inquiétées par la justice hexagonale, l’entreprise organise depuis des années la mise à disposition de travailleurs migrants auprès d’exploitants du Gard, du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône notamment, de façon massive – et plutôt discrète jusqu’à la découverte ce printemps de cas de Covid-19 dans des hébergements d’ouvriers agricoles. Selon des pièces judiciaires consultées par Mediapart, Terra Fecundis serait à l’origine d’une fraude aux cotisations évaluée, pour les seules années 2012 à 2015 visées par l’enquête, à 112 millions d’euros, au préjudice de la Sécurité sociale.

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Problème : à part l’existence d’un siège social dans le sud de l’Espagne, Terra Fecundis n’exerce aucune activité ou presque dans son pays. « Elle est réalisée à plus de 99 % en France », estiment les gendarmes. Un discret appartement à Châteaurenard (Bouches-du-Rhône) sert de bureau permanent (« établissement occulte » dans le jargon judiciaire) ; au moment de l’enquête, au moins cinq salariés se consacrent même à temps plein à la gestion de la main-d’œuvre et aux relations avec les agriculteurs ; bizarrement, des « saisonniers » sont placés sur une exploitation une année entière…

Aux yeux du parquet, Terra Fecundis, dont le chiffre d’affaires en France était évalué à plus de 57 millions d’euros en 2018, aurait dû s’immatriculer et régler ses cotisations dans l’Hexagone, et a contrevenu de ce fait à la législation sur le travail détaché dans des proportions encore jamais jugées en France.

Mais au-delà de la fraude sociale, c’est tout un système d’exploitation de personnes vulnérables que les enquêteurs ont mis au jour, en particulier dans le triangle Marseille-Arles-Avignon, à coups de perquisitions sur des lieux d’hébergement, d’écoutes, d’auditions de dizaines et de dizaines d’intérimaires, de maraîchers et arboriculteurs français. « Terra Fecundis privilégie une rentabilité à l’excès », résument les gendarmes dès 2016.

(…) Lire l’article du 17 juillet 2020 dans son intégralité ici, sur Médiapart